

L’association Jeune et Rose forme les très jeunes femmes à l’auto-examen mammaire afin d’ancrer le geste dans une routine mensuelle et éviter les retards de diagnostic.
L’association Jeune et Rose a été créée en 2017 par Christelle Rakotoarimanana et Mélanie Courtier qui ont été touchées par un cancer du sein alors qu’elles avaient respectivement 32 et 31 ans et étaient devenues mères récemment. Lorsqu’elles se sont rencontrées, l’une était en début et l’autre en fin de traitement. Elles ont échangé sur des problématiques propres à leur situation de jeunes patientes : les difficultés liées à la maternité, à des carrières professionnelles en construction, à la précarité financière, à la fragilisation du lien social et au sentiment de solitude. En effet, dans les services de cancérologie, les femmes sont généralement plus âgées (le cancer du sein touche en moyenne les femmes à 64 ans, selon l’Institut National du Cancer1) et les amis de leur âge sont peu concernés par la maladie : “Quand on se prépare pour une chimio, les copains se préparent à aller en boîte” , témoigne Justine Rojas, touchée par la maladie à 26 ans et ambassadrice de l’association.
Des ateliers à destination des oubliées de la prévention du cancer du sein
Jeune et Rose organise des rencontres dans toute la France pour offrir un espace de parole et de partage d’activités aux jeunes femmes en cours de traitement. Elle consacre également une part importante de son activité à la prévention auprès des jeunes en animant des ateliers dans des lycées, des missions locales et des Points Rencontres Information Jeunesse (PRIJ), des associations d’accueil de femmes migrantes, des Établissements ou Services d’Aide par le Travail (ESAT). “On cible principalement les très jeunes, car c’est un public auquel on ne s’adresse pas habituellement quand on fait de la prévention du cancer du sein au prétexte qu’il est peu touché. Pourtant, on constate une augmentation de 80 % des cancers chez les jeunes ces trente dernières années, tous cancers confondus” , explique Maéva Landon, responsable de la communication de l’association. Jeune et Rose agit aussi auprès des femmes qui ont un handicap mental car elles ne bénéficient pas toujours d’un suivi gynécologique et ont un rapport particulier à leur corps, ainsi que des femmes migrantes souvent à l’écart du système de santé. Éviter les retards de diagnostic est une priorité car le cancer évolue très rapidement chez les jeunes malades.
Apprendre à connaître son corps pour mieux repérer les anomalies
Ayant fait le choix de l’humour et de la dédramatisation, les ambassadrices de l’association, aidées par un comité scientifique constitué de gynécologues, de radiologues et d’oncologues, ont mis au point les ateliers Pouet-Pouet pendant lesquels elles forment le public à l’auto-examen mammaire. Vêtues de rose, maniant facilement les jeux de mots et la blague, elles échangent d’abord avec les jeunes, leur présentant leur parcours : “Le fait de dire qu’on a eu un cancer à 26 ans permet de capter l’attention ”, selon Justine. Elles expliquent ensuite le geste, présentent un mannequin en silicone porteur de sept anomalies et invitent les jeunes à observer et à toucher le buste pour s’entraîner. “On apprend à distinguer un kyste, lisse et mobile, d’une tumeur, plus irrégulière et qui ne bouge pas. Il y a aussi des signes visuels qui doivent alerter : une rougeur, la peau d’orange, un téton rentré ou un écoulement ”, raconte Harmony Berquez, lycéenne de Terminale au Lycée Philippe Cousteau de Saint-André-de-Cubzac (Gironde).
Dans cet établissement, les ateliers sont co-animés par des élèves, formées par l’association. “L’objectif n’est pas de faire peur, mais d’expliquer que c’est primordial de connaître la norme de son corps pour repérer rapidement les anomalies , précise Justine. Pendant les échanges, on ne parle pas que du cancer. On discute des seins en général, ça permet de désexualiser la poitrine.” C’est cette approche centrée sur une meilleure connaissance de soi qui a plu à Nathalie Bouillard, l’infirmière scolaire du lycée : ”Les ateliers permettent d’apprendre à connaître son corps, à se l’approprier et à mieux en prendre soin.”
Les garçons ont un rôle à jouer
Jeune et Rose intervient dans le lycée Philippe Cousteau chaque année depuis 2019, parfois dans des classes, parfois dans le hall de l’établissement, laissant les élèves libres de leur participation. Les garçons sont souvent les premiers à approcher du stand : “Ils nous demandent pourquoi il y a tous ces seins au milieu du lycée ”, s’amuse Harmony. Curieux, ils posent des questions. ”C’est important que les garçons se sentent concernés. Une année, une intervenante de l’association avait raconté que c’était son petit ami qui l’avait alertée sur une évolution de son sein qu’il avait repérée au toucher, se rappelle Nathalie Bouillard. Le partenaire voit la poitrine de sa copine de face et il peut repérer ainsi des anomalies qu’elle n’a pas vues.”
L’association a un agrément de l’Éducation Nationale et ses interventions sont gratuites. Elle met aussi à disposition une vidéo qui explique comment pratiquer l’auto-palpation et l’auto-observation sur son site internet : “un geste de bienveillance qu’on fait envers sa propre poitrine pour s’assurer de sa bonne santé.”
Lise Chalon