L’association Rucher pédagogique des gones va installer dans les prochaines semaines cinq ruches sur un terrain appartenant à la SNCF, à proximité de la gare Jean-Macé. Les bénévoles accueilleront des classes de maternelles pour sensibiliser dès le plus jeune âge à la protection de l’environnement et des abeilles.
Est-ce que le bourdonnement des abeilles parviendra à masquer le vrombissement des locomotives ? On peut en douter, mais pourtant elles vont se côtoyer de près à la gare Jean-Macé de Lyon. Car depuis les quais, à quelques encablures des voies ferrées, les voyageurs en attente de leur TER auront une vue plongeante sur les cinq ruches bientôt mises en place par le Rucher pédagogique des gones, après une campagne de crowdfunding réussie.
Qu’on se rassure ou se désole : il ne sera pas possible d’avoir accès aux ruches depuis la gare. Logées sur un étroit terrain vague et jouxtant un bâtiment administratif appartenant tous les deux à la SNCF, elles seront inaccessibles pour ceux qui n’auront pas montré patte blanche. « Il faut des badges pour venir ici, et comme c’est un terrain privé de la SNCF, c’est plutôt bien sécurisé », nous expose Sébastien Briet, président bénévole de l’association et apiculteur amateur. Il poursuit : « Il ne nous reste plus qu’à finir les derniers travaux d’aménagement sur le terrain et on pourra les installer courant du mois de mai ».
La pédagogie par l’abeille
L’association dispose déjà de huit ruches sur le toit de la SEPR, lycée professionnel privé du 8e arrondissement de Lyon. Elle voulait pourtant continuer à se développer pour intensifier son action : sensibiliser les plus jeunes à la protection de l’environnement par l’intermédiaire des abeilles. Et lorsqu’on dit « les plus jeunes », ce n’est pas juste une formule : « Notre public, ce sont les petits de 3 à 6 ans, car on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas grand-chose de fait pour eux en matière d’éducation à l’environnement », précise Sébastien Briet.
Depuis sa création en 2015, l’association organise ainsi des cycles d’ateliers avec des classes maternelles. À partir de jeux pédagogiques créés par les bénévoles et de visites des ruches, les enfants abordent la vie d’une colonie d’abeilles ou la pollinisation et son rôle vital pour la reproduction des plantes et des arbres. Ils peuvent également visiter la miellerie de l’association, où le miel est récolté puis mis en pot. Payants, ces ateliers permettent de financer le fonctionnement de l’association, qui ne perçoit pour l’heure pas de subvention.
Le Rucher pédagogique des gones a aussi tissé des partenariats similaires avec la SEPR et l’Institut médico-éducatif Jean-Jacques Rousseau de Vénissieux. Avec à chaque fois la même ambition : « Il faut que les générations futures soient sensibilisées à l’impact de l’homme sur la nature. Et puis ces ruches,ça permet de toucher les enfants, mais aussi les parents à travers eux. »
Agir à tous les niveaux
Pour Sébastien Briet, qui s’est formé à l’apiculture urbaine pendant trois ans auprès d’Olivier Darné – artiste et apiculteur urbain en Seine-Saint-Denis –, la diminution des populations d’insectes pollinisateurs est plus qu’alarmante pour l’avenir.
Il salue d’ailleurs l’interdiction votée en 2016 des néonicotinoïdes, ces insecticides dits « tueurs d’abeille » : « On est face à une multitude de facteurs : les insecticides, le frelon asiatique, les parasites, les déserts verts que sont les monocultures, etc. Mais l’interdiction des néonicotinoïdes est indispensable si on veut stopper le déclin des populations d’abeilles et de tous les insectes pollinisateurs », lance-t-il. Une interdiction dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er septembre 2018 – avec des dérogations jusqu’en 2020 – et qui a déjà connu quelques couacs.
Et si d’aucuns souhaitent agir à un niveau plus individuel, il propose quelques conseils pour aider les pollinisateurs : « éviter de traiter ses plantes avec des produits chimiques, construire des abris à insectes sur son balcon […]. Et puis soutenir financièrement des projets comme celui-ci grâce au financement participatif. » On pourrait rajouter à la liste d’idées : donner un coup de main bénévole à l’association.
Thomas Sévignon
Il existe plus de 1000 espèces d’abeilles en France. L’Apis mellifera, l’abeille mellifère, est de loin la plus connue : c’est l’espèce élevée par les hommes pour produire le miel et tous les autres produits de la ruche. C’est pour cela qu’on l’appelle souvent « abeille domestique », en opposition aux « abeilles sauvages ». Ces dernières sont pour la plupart solitaires, ne vivent pas en colonie dans des ruches mais se logent dans la terre, dans des anfractuosités du bois, etc.
Or, on assiste depuis quelques années à la multiplication des ruches urbaines. Au point que certaines études ont tiré la sonnette d’alarme au motif que les abeilles domestiques, très nombreuses et très voraces, entreraient en compétition avec les abeilles sauvages pour la récolte du pollen. L’étude Urbanbees notamment, menée sur le territoire du Grand Lyon, relève que « lorsqu’elles sont trop nombreuses, les abeilles mellifères peuvent entrer en compétition avec les abeilles sauvages et les autres insectes pollinisateurs si les ressources alimentaires sont limitées ».
Conscient de cette controverse, Sébastien Briet réplique que « si on introduit progressivement de nouvelles ruches, en petit nombre, il n’y aura pas de compétition, sauf peut être lors de l’année d’installation. Ensuite, les abeilles domestiques vont aider à augmenter la floraison, ce qui sera bénéfique pour tous les pollinisateurs ». Il précise : « C’est surtout la météo qui va avoir au final un impact sur les ressources disponibles ».