L’activiste féministe afghane manie avec autant de précision le ballon que sa voix. Ses activités l’ont obligée à fuir son pays natal en 2011, toutefois son combat en faveur des femmes est resté intact.
En Afghanistan, le football est l’un des sports les plus populaires. Mais lorsque le footballeur s’avère être une footballeuse, celle-ci peut faire face à des réactions violentes de la part d’une société dominée par ces derniers. « La guerre a beaucoup affecté la culture du pays et les mentalités. Ils pensent que les femmes ne sont pas capables de jouer au football ou de participer à toute forme d’activité sociale », explique Khalida Popal.
« On nous disait que nous étions une honte pour notre pays »
La jeune femme a commencé à taper dans un ballon enfant, avec ses frères. à l’âge de 16 ans, elle forme la première équipe féminine de son pays et parvient à constituer la première équipe professionnelle quelques années plus tard. à 20 ans, elle devient la première femme employée de la Fédération de football afghane, mais cet événement renforce les vagues d’intimidations à son égard. « On nous jetait des pierres, on nous insultait, on nous traitait de prostituées. On nous disait que nous étions une honte pour notre pays », se souvient-elle. Les menaces devenant de plus en plus sérieuses, Khalida se résout à quitter son pays en 2011. « Je mettais au défi les dirigeants du pays et cela m’a mise en grand danger, alors j’ai dû fuir », confie-t-elle.
Le sponsor danois Hummel, une entreprise sportive, l’aide à trouver refuge à Copenhague. Elle arrive alors dans un centre de demandeurs d’asile où elle vivra durant un an et demi. « Évoluer dans un pays si différent était un véritable défi, au début c’était vraiment difficile. Il faut reconstruire son image, sa carrière et ses rêves », appuie-t-elle.
Le sport comme outil d’inclusion avec la Girl Power Organization
Le sport lui donne la force nécessaire en Afghanistan pour s’imposer en tant que femme, mais aussi pour s’intégrer en tant que réfugiée au Danemark. Un moyen qu’elle décide de partager avec d’autres réfugiées : « Quand j’étais dans le centre, je me suis rendu compte de l’aide dont ces femmes avaient besoin pour s’affirmer. » Elle organise des parties de football pour alléger le quotidien des femmes du centre. Quand elle obtient enfin son statut de réfugiée, elle continue à utiliser le pouvoir du sport en créant la Girl Power Organization.
Sa structure, qui s’adresse aux femmes à travers le monde, cherche à trouver des solutions aux défis auxquels les femmes sont confrontées. « Le but de mon organisation est de fournir des opportunités, des outils et d’éduquer parce que je pense que lorsque les femmes connaissent leurs droits, elles peuvent se défendre, non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour améliorer la société », souligne la jeune femme afghane. En Europe, l’organisation vise à aider surtout les migrantes. Girl Power Organization souhaite accroître l’inclusion et la participation sociale de celles-ci en proposant « des activités sportives et des équipements mais aussi des ateliers, des conférences, des événements… », décrit Khalida Popal.
Un cursus en marketing au Danemark
à sa sortie du centre, Khalida Popal a su jouer sur un autre terrain, celui des études. « J’ai suivi au Danemark un cursus en marketing et management sportif. » Si elle ne peut plus jouer à un niveau professionnel à cause d’une blessure au genou, elle continue à manager et travaille actuellement au sein du club de football FC Nordsjælland. En parallèle, elle tient un rôle d’ambassadrice pour divers projets caritatifs tels que le Street Child United project ou l’European week, car selon elle « ils autonomisent des groupes de personnes qui sont isolées des sociétés. C’est beaucoup de travail mais cela m’intéresse. C’est quand même formidable et j’en suis heureuse ».
Porte-parole des femmes sans voix
Si son visage est devenu un symbole du football féminin afghan, elle ne peut plus retourner dans son pays natal. Ce qui ne l’empêche pas d’œuvrer à distance pour son équipe de football féminin en lui trouvant des sponsors et des adversaires internationaux. En parvenant à s’échapper, Khalida Popal a aussi pu sauver sa voix. Elle l’a récemment utilisée afin de dénoncer des abus sexuels perpétrés contre des joueuses de l’équipe féminine afghane l’année dernière. « Le résultat, raconte-t-elle, est que le président de la Fédération de football afghane, le créateur de cette culture d’abus, a été condamné à une amende et banni à vie. Je suis très fière de ma voix parce qu’elle peut vraiment faire quelque chose. Je peux l’utiliser pour les femmes sans voix du monde entier », conclut la jeune femme souriante.
Bonney Magambo, Julie Gaubert,
Marion Joubert, Elodie Horn