Le Sikkim, État du Nord de l’Inde (Himalaya), devient le premier État 100% bio du monde. En convertissant ses 7 000 km² de terres à l’agriculture biologique. Une révolution entamée en 2003, un exemple pour le reste du pays encore submergé par la pollution des sols et des eaux.
La transition au bio dans le Sikkim
L’idée d’une région 100% biologique est impulsée en 2003 par Pawan Chaling, chef du gouvernement régional. Depuis, son mandat a été renouvelé 5 fois et son objectif atteint en 2015. Le Sikkim est devenu le premier Etat 100% bio du monde. Pour lancer le projet, des villages pionniers ont été choisis et soutenus financièrement par la région. L’idée était de progressivement abandonner les pesticides et engrais chimiques. Deux fermes d’état ont été transformées en “ centre d’excellence biologique ” pour servir d’exemple et inspirer le reste du pays. Une campagne de formation à l’agriculture biologique a également été impulsée. Le but étant de former les fermiers aux méthodes alternatives car les subventions pour acheter des intrants chimiques ont été diminuées.
Ne bénéficiant plus de subventions suffisantes pour se munir de produits chimiques, les agriculteurs ont redécouvert les techniques ancestrales agricoles. Les algues azollas sont redevenues populaires dans la plupart des exploitations de l’Etat. Servant à la fois de fixateur d’azote et d’engrais naturel, elles préservent les cultures et entretiennent les sols. Cependant, la transition vers l’agriculture biologique ne fut pas facile. Au début les rendements ont baissé, les sols s’étaient accoutumés aux produits chimiques et il a fallu du temps pour maîtriser les techniques bio. La concurrence avec les régions voisines faisait rage, ces dernières proposant des produits moins chers, la clientèle était dure à attirer. Au fil du temps, la réputation de la région et la qualité de ses produits ont su gagner le cœur de certains clients.
Avec le temps les sols sont devenus plus riches et peu à peu les rendements ont augmentés. Aujourd’hui ils dépassent même ceux d’avant la transition. Les cultures sont prospères et variées, sur une même parcelle plusieurs sortes de plantes poussent en harmonie. Une vision inimaginable pour un agriculteur en monculture pour qui une parcelle égale un type de semence. En même temps que la qualité de leurs produits, les agriculteurs ont vu leurs conditions de vie augmenter. Ne plus être en contact quotidiennement avec des produits nocifs pour leur santé à drastiquement contribué à l’amélioration de celle-ci. Ils font des économies en n’investissant plus dans les engrais ou pesticides coûteux. Aujourd’hui, ils investissent dans l’élevage bovin, les bouses produites par les animaux servent à fertiliser les sols.
Les engrais et pesticides chimiques sont désormais illégaux dans la région. Leur usage peut entraîner une amende voire même 3 mois de prison dans certains cas. Un tiers des agriculteurs bénéficient de sacs d’engrais bio fournis par le gouvernement pour pallier ces restrictions. Cependant, la politique locale ne s’arrête pas à l’agriculture, elle a une visée globale. L’environnement est au cœur de ses préoccupations et elle a déjà interdit les objets jetables à base de plastique polystyrène. L’histoire du Sikkim est celle d’un renoncement qui a coûté à la région au début mais qui s’avère fructueux à présent. Les paysages préservés attirent des touristes, une aubaine pour le marché local.
Vers de nouvelles solutions
De plus en plus de solutions sont mises en place afin de venir en aide aux agriculteurs. Souvent isolés et analphabètes, les agriculteurs représentent encore aujourd’hui encore une grande partie des travailleurs d’Inde. Leur venir en aide c’est aider l’industrie agricole du pays. Depuis 2004 E-Sagu met en lien des médiateurs avec des paysans illettrés afin de les aider dans leurs démarches et de servir de passerelle. Un exploitant sur 4 est illettré ce qui rend l’accès aux informations et techniques agricoles compliqué. E-Sagu permet aux petits exploitants de bénéficier de conseils de scientifiques et d’agronomes qualifiés. Un médiateur est impliqué dans la transmission des problèmes des petits exploitants aux experts. Il traduit également les réponses des scientifiques aux agriculteurs. Depuis sa création, l’entreprise a déjà aidé 6 000 exploitations dans 100 villages.
Toujours dans l’idée de faciliter la transmission des savoirs agricoles, Microsoft Research Inde a créé Digital Green. Le projet vise à partager les meilleures pratiques entre agriculteurs. Un médiateur est chargé de rechercher les techniques agricoles innovantes et intéressantes. Puis, pour illustrer ces techniques et les rendre accessibles il faut les mettre au format vidéo. Des paysans sont formés à la réalisation de courtes vidéos illustrant ces pratiques agricoles de façon ludique. Les participants se réunissent trois soirs par semaine afin de visionner et débattre autour des vidéos avec le médiateur. Un projet peu coûteux mais qui nécessite du matériel: téléviseur, caméscope et lecteurs dvd.
Maryam Hamdadi
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