A seulement 23 ans, Chloé Cédille, pianiste et accordéoniste, a déjà plusieurs récitals et créations à son actif. Malgré son handicap, cette artiste prodige a su faire de sa passion son métier. Convaincue des vertus thérapeutiques de la musique, elle propose de la médiation artistique comme outil de partage et de stimulation à des publics qui en sont tenus éloignés.
TVB : Avez-vous toujours rêvé d’être musicienne ?
CC : Je suis originaire d’un village savoyard du Val d’Arly où la musique traditionnelle et folklorique est très présente, notamment dans ma famille. J’avais deux ans et demi la première fois que j’ai exprimé le souhait d’être musicienne. à chaque occasion, dans ma vallée, les musiciens sortent leurs accordéons et j’étais admirative de voir cet instrument qui semblait respirer. Grâce à cette tradition de transmission par l’oralité, j’ai pu dans un premier temps apprendre la musique de manière autodidacte, en reproduisant de façon instantanée une pièce entendue. Cela m’a permis de garder, et j’en suis très contente, une véritable liberté dans mon univers sonore.
TVB : Quels instruments pratiquez-vous ?
CC : Je suis pianiste et accordéoniste. Dès l’âge de 7 ans, j’ai eu mes premiers contacts avec la scène qui m’ont permis de jouer très régulièrement devant un public. Parallèlement à mes concerts, j’ai commencé après le bac une licence de musicologie à La Sorbonne Paris IV, intégré le Conservatoire de Gennevilliers et je me suis formée auprès de Jacques Mornet, un pédagogue reconnu dans le monde accordéonistique. J’ai donc d’abord expérimenté la scène, avant de découvrir le plaisir de la lecture de la musique. Je joue désormais plus d’accordéon, dont la pratique est plus adaptée à l’évolution de mes problèmes de santé.
TVB : Votre passion, la musique, est-elle une source d’épanouissement qui vous aide à lutter contre la maladie ?
CC : La musique m’apporte un nouveau souffle, un voyage, une respiration. Sa myriade de trésors apaise et éclaire mes nuits endolories, encourage mon corps à vaincre les obstacles imposés par la maladie. Ma pratique instrumentale m’a amenée à dépasser ma mobilité réduite et les stéréotypes qui lui sont sous-jacents, en donnant des concerts sur quatre roues en tant que soliste invitée à travers la France et l’Allemagne. Hospitalisée de 14 à 16 ans, j’ai ressenti un besoin crucial de jouer et de partager la musique, comme pour rester pleinement vivante. à cette période, un récital parsemé de textes poétiques a vu le jour, composé à l’aide d’un piano reçu d’une donation. à 18 ans, j’ai ensuite enregistré huit de ces œuvres dans un premier album. La musique transforme les soupirs de la maladie en sourires à partager au public.
TVB : Comment vous est venue l’idée de faire de la médiation artistique ?
CC : J’ai expérimenté les ateliers en tant que patiente avec des artistes intervenant en milieu hospitalier. C’est une véritable bulle d’air, une invitation au voyage. Les ateliers sont des espaces de partage et d’expression essentiels qui répondent au droit à la pratique et à l’enseignement artistique, quels qu’ils soient. Par mon expérience, je suis de celles qui pensent que la musique peut guérir. Mais je crois aussi que transmettre la musique doit aller plus loin que la visée thérapeutique ou les actions de médiation. C’est pourquoi j’ai souhaité développer un projet d’enseignement artistique à part entière, à destination de publics fragilisés, hospitalisés ou en situation de handicap. Comme cela est compliqué – et coûteux – d’apporter un piano dans les établissements et hôpitaux, j’ai fait confectionner des kalimbas, des petits pianos à pouce, par mon père menuisier, pour que chaque patient puisse jouer et exprimer ce qu’il a envie de dire.
TVB : Qu’est-ce que cela apporte aux patients ?
CC : Dans le cadre d’un partage artistique avec un public spécifique, nous faisons en sorte que les personnes puissent être autonomes dans le travail artistique que nous leur proposons. Chacun, quelle que soit sa différence ou son handicap, est accueilli comme un être au potentiel créatif multiple. Médecins, musiciens et patients sont chaque fois surpris des résultats, des regards qui s’éveillent, communiquent et sourient, de l’impact de la musique sur la santé mentale et physique. La musique est un art singulier, impalpable et pourtant indélébile. En témoignent les chants des patients touchés par la maladie d’Alzheimer. En stimulant simultanément l’ensemble des aires cérébrales, la musique recrée du lien. Et, au-delà des progrès thérapeutiques, la musique sème des couleurs, des réminiscences, un peu de rêve et d’espérance, essentiels à la santé mentale.
Marianne Cuomo, Jacques, Joachim, Jean-Baptiste et Elodie Horn
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