Depuis plusieurs années, le concept de « nature en ville » est mis sur le devant de la scène. Il s’agit dès lors de favoriser la présence de lieux apaisés, mais aussi de rafraîchir les espaces urbains. De nombreuses essences végétales sont des alliées précieuses pour ce faire, sous réserve de mieux connaître leurs spécificités et leurs interactions avec l’environnement.
Pour le Larousse, le bien-être est « un état agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit ». Parmi les différents facteurs qui y concourent, la nature occupe une place majeure, au côté de l’environnement social. Forts de ce constat, quelque peu oublié pendant des décennies, des acteurs se mobilisent pour approfondir les connaissances et les modes d’action sur les « aménités environnementales » en ville, autrement dit « tout aspect de l’environnement appréciable et agréable pour l’humanité dans un lieu ou site particulier. »
Les chercheurs ont en effet montré depuis de nombreuses années leur importance pour la santé mentale et physique, que la crise sanitaire a bien mise en lumière. Annamaria Lammel, chercheuse à l’Université Paris 8, le soulignait dans un article publié par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité en 2018. « D’après plusieurs travaux de recherche, les adultes exposés aux espaces verts sont moins sujets aux maladies mentales telles que la dépression, l’anxiété ou le stress. Des revues systématiques ont mis en évidence que la quantité d’espaces verts dans les villes et les caractéristiques visuelles des paysages sont corrélées de façon positive avec la santé mentale et le bien-être, mesurés par des questionnaires. »
D’autres études reconnaissent leurs effets bénéfiques, et ceux de la présence de l’eau, sur le développement comportemental et émotionnel des enfants. Aujourd’hui, de nombreuses collectivités locales réaménagent les cours de lycées, collèges ou écoles en bitume ou asphalte. D’une manière générale, les professionnels constatent que des espèces végétales judicieusement choisies et un aménagement paysager bien conçu incitent au calme pendant les temps de pause. À Libourne en Nouvelle Aquitaine, dans l’école primaire sud, 90 arbres ont pu se déployer dans un espace complètement recomposé. Et, ici, ils ont aussi apporté de l’ombre là où l’enrobé noir de la cour pouvait atteindre 65°C lorsque le soleil est à son zénith !
Les meilleures essences pour lutter contre les îlots de chaleur
Autant de raisons qui invitent à repenser les rapports entre ville et nature. Les urbanistes du XIXe siècle ne s’y étaient d’ailleurs pas trompés, en dessinant de grands parcs ouverts aux citadins ou encore les fameuses cités jardins, nées en Angleterre, qui font la part belle à la végétation. Alors que le XXe siècle a réduit la place des arbres et jardins en ville au profit de la voiture et d’un urbanisme conquérant, le XXIe siècle entame sa révolution verte en renouvelant les approches pour rendre la ville plus désirable et vivable.
D’autant que la biodiversité est aussi considérée comme une source de solutions pour le climat. Si l’on se penche sur les seuls événements caniculaires qui affectent nos sociétés depuis plusieurs années, elle se révèle une alliée précieuse. Le travail mené dans de nombreuses agglomérations en témoigne. Consacrée Capitale française de la biodiversité en 2019, la Métropole de Lyon s’est ainsi engagée depuis trois décennies dans des politiques favorables à la nature en ville. Parmi elles, le plan Canopée vise à intensifier la plantation d’arbres pour lutter notamment contre les effets des îlots de chaleur urbain1. Frédéric Ségur, alors responsable du programme au Grand Lyon, expliquait ses bienfaits : « l’arbre agit par ombrage – une allée ombragée peut diminuer de 11°C la température ressentie – et par évapotranspiration – 95 % de leur eau est vaporisée et rafraîchit l’air »2. D’ici à 2030 l’objectif est de créer une véritable forêt urbaine en plantant 300 000 arbres supplémentaires. Et en passant de 13 % du territoire en 2015, à 27 % aujourd’hui, pour atteindre 30 % à terme, tout en équilibrant la répartition des plantations dans la métropole. Car dans ce domaine comme dans d’autres, les inégalités territoriales sont prégnantes. Dans cette perspective, la dynamique de transformation concerne aussi bien les voiries et espaces publics, les bois et bosquets, que les particuliers et copropriétés, ou les entreprises…
Pour autant, la bonne volonté ne suffit pas pour apporter du bien-être aux habitants et favoriser la végétalisation. Encore faut-il choisir le bon arbre ! Ce que rappelle le projet Sesame, lancé à l’initiative de la Ville de Metz et du Cerema3. Car si les effets d’ombrage sont bien connus, les services rendus diffèrent selon les espèces : « Un bouleau, un platane, un chêne ne rendront pas les mêmes services. Le bouleau, par ses petites feuilles et son feuillage peu dense s’avère d’un intérêt limité pour lutter contre l’îlot de chaleur, quand les grands érables ou les catalpas constituent de bons candidats pour rafraîchir la ville. Certains pourront même occasionner des nuisances, des allergies. Dans un autre registre, les résineux sont plus performants pour piéger les particules de polluants atmosphériques », précise Luc Chrétien, chercheur au Cerema. Sans oublier qu’avec le réchauffement climatique, plusieurs espèces ne seront plus adaptées à leur milieu, tandis que de nouvelles vont apparaître.
Il nous faut donc garder à l’esprit qu’au-delà de l’aspect ornemental, tout un travail en dentelle, au cas par cas et selon les objectifs poursuivis, demeure indispensable pour introduire la nature en ville.
Virginie Bathellier
1 Les îlots de chaleur urbains (ICU) se caractérisent par une une élévation des températures de l’air et de surface des centres-villes par rapport aux périphéries, particulièrement la nuit. Le Plan Canopée a été adopté fin 2017.
2 Un article lui est consacré dans la Revue Diagonal, N°208, avril 2020
3 Revue Diagonal, N°208, avril 2020. Destiné en particulier aux collectivités, Sésame est un outil pour intégrer au mieux l’arbre dans leurs projets d’aménagement et de renaturation urbaine. Un rapport publié en 2023 est accessible sur le site du Cerema. Des fiches techniques ont aussi été publiées.