Nous entendons parler du burn-out comme le symbole du mal-être au travail. Nous avons rencontré Céline Bagnoli, psychologue à Villeurbanne et formatrice en entreprise et milieu carcéral. Diplomée à Lyon II en Santé et Développement, elle nous apporte un éclairage médical sur le stress au travail qui peut pousser à la maladie.
TVB : En tant que psychologue, que vous évoque le bien-être au travail ?
CB : J’ai commencé ma carrière en travaillant pour la prévention routière et là je suis me rendu compte que 70% des accidents de la route étaient liés au travail (fatigue, stress, travail au volant, etc.) c’est un mort sur trois sur l’autoroute. Petit à petit, j’ai réalisé des interventions en extérieur dans des missions locales mais aussi dans des SPIP (Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation). Dernièrement, j’ai construit un module pédagogique à destination des entreprises intitulé Gestion du stress au travail et conduite. Le stress est la plus grande source de mal-être psychologique au travail et ses conséquences peuvent être graves, comme le burn-out.
TVB : Le burn-out justement, qu’est-ce que c’est ?
CB : Le burn-out c’est une accumulation et surcharge de stress. C’est un stress chronique qui n’a pas été évacué et des hormones (glucocorticoïdes et catécholamines) qui se sont accumulées dans le cerveau et empêchent son bon fonctionnement. Le cerveau ne peut plus ralentir et il a besoin de sucre en permanence pour maintenir son rythme effréné. Si cet état se prolonge, ce sera la crise ou l’effondrement : le burn-out. Un stress ponctuel n’entraînera qu’une hausse de la température du corps, du rythme cardiaque et de la transpiration. Un stress chronique peut avoir des conséquences plus néfastes sur la santé. Les maux de tête et douleurs dans le ventre causés par un stress ponctuel deviennent des migraines et des troubles cardio-vasculaires dans un stress chronique. Et si la personne n’a pas de stabilité dans les quatre piliers que sont la famille, le travail, le couple et les loisirs, on peut assister à une montée des angoisses et des crises de panique puis à un burn-out, puis à une dépression, si on ne se soigne toujours pas.
TVB : Et comment guérit-on d’un burn-out ?
CB : Burn-out signifie « terre brûlée », la guérison est longue voire très longue, les plus rapides mettront six mois, mais on envisage souvent deux ans. Après un burn-out, dans tous les cas, on n’est plus la même personne, et ça peut être très perturbant pour l’entourage. Les patients disent souvent s’être sentis dans une impasse avant la maladie et se sentent dans un couloir, dans une nouvelle vie après celle-ci. La guérison exige un travail sur soi important, et la thérapie peut aider à mettre des mots et identifier les causes du mal-être ayant poussé à l’épuisement. Les trois clés de la guérison sont l’évacuation, le soutien et la valorisation.
TVB : Cette maladie est aujourd’hui reconnue maladie professionnelle, comment la prévenir ?
CB : L’empathie de l’entourage qu’il soit professionnel, familial ou amical peut permettre de détecter l’épuisement et de le désamorcer. Replacer le bien-être comme l’un des objectifs de la société et des sociétés également. On peut penser aussi au modèle de Karasek qui prône une tension psychologique (pression managériale, etc.) raisonnable, et une latitude laissée au salarié dans la prise de décision plutôt haute, éloignée de l’exécution automatique des tâches, sans avoir mot à dire. Le coaching d’entreprise permettant d’identifier les stresseurs et les stressés, des séminaires sur la gestion des conflits ou l’instauration de médiateurs (idéalement extérieurs à l’entreprise) peuvent être des solutions primaires pour l’entreprise. Au niveau secondaire, des ateliers peuvent être mis en place pour apprendre à gérer son stress par diverses techniques comme la sophrologie, le yoga, etc. Et pour les salariés sous stress, il est conseillé d’apprendre le lâcher-prise et d’essayer d’adapter le rythme du travail « toujours plus vite » à celui du corps fatigué qui a besoin de temps et prônera lui le « toujours plus lent ». C’est tout l’enjeu de nos sociétés modernes.
Extrait du Tout va bien numéro 6
avec un dossier du mois sur le bien-être au travail et une interview de Jacques Salomé à la Une.
https://toutvabienlejournal.org/journaux-a-lunite
https://toutvabienlejournal.org/adherer-et-sabonner
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