Installé depuis un peu plus de deux ans à Lyon près des quais du Rhône, le café-théâtre L’Improvidence donne à chacun l’opportunité de découvrir l’improvisation en tant qu’acteur ou spectateur. TVB a rencontré Thomas Debray, son fondateur,et Amaëlle Staron, sa chargée de développement. Pour eux, au delà de l’activité artistique, l’improvisation a aussi beaucoup à nous apprendre au quotidien. Interview.
Tout Va Bien : Comment s’est enclenchée la création d’Improvidence ?
Amaëlle Staron : I had a dream !
Thomas Debray : J’ai découvert l’impro et j’en suis tombé amoureux. Et puis au bout de 10 ans de “mariage”, je me suis dit que ça serait bien d’avoir un théâtre. C’est un modèle que j’ai vu à Chicago. C’était un peu comme un rêve, comme une envie et il y a deux ans je me suis dit “Allez, pourquoi pas” ! De fil en aiguille, de discussion, de rencontres et de réseaux, on s’est dit que c’était possible… J’ai trouvé le lieu atypique. Et ensuite, les projets se sont faits petit à petit. Le théâtre, puis l’école et ensuite un deuxième théâtre à Bordeaux en février prochain.
TVB : Quels sont vos parcours respectifs et comment êtes-vous arrivés à l’improvisation ?
AS : À la base, j’ai un parcours en marketing et, il y a quelques années, j’ai découvert l’improvisation. Ça m’a passionné et ça m’a donné envie de faire bénéficier le monde professionnel des bienfaits de l’impro à un moment où l’on ne fait que parler bien-être au travail. Je pensais que j’écoutais bien et en fait, on se rend compte que l’on peut faire bien mieux. L’impro, c’est de l’écoute avec les yeux, à 360 degrés et surtout une posture d’humilité pour être prêt à balayer sa première idée pour rebondir sur celle de son partenaire. Quoi qu’il arrive, on rebondit. C’est le fameux “oui, et”. On confronte des imaginaires différents. Et on se débrouille pour qu’ils se complètent. On fabrique un millefeuille. Et c’est magique car on se redécouvre soi-même.
TD : Mon parcours est légèrement différent. J’ai travaillé 20 ans dans une multinationale de l’électroménager et puis, suite à des mutations, je suis arrivé à Lyon. Je ne connaissais pas du tout le milieu du café-théâtre et j’ai découvert l’impro à l’espace Gerson dans le Vieux-Lyon. J’ai trouvé ça bluffant. J’ai commencé à prendre des cours il y a une dizaine d’années et c’est très vite devenu une passion. Et rapidement, je me suis dit que ça devrait être d’utilité publique. Au début, on fait juste un stage d’impro pendant un week-end et à la fin du week-end, sans savoir qui est qui, tu as l’impression d’avoir créé une communauté d’amis, comme si tu les connaissais depuis très longtemps. Je pense qu’il n’y a pas cet a priori sur le statut social de la personne qui est en face de toi. J’ai trouvé ça très fort. J’ai continué à prendre pas mal de cours, a créer des compagnies et je suis parti à Chicago par curiosité, je voulais voir ce qu’il s’y faisait. Chicago est un peu La Mecque de l’impro.
TVB : Quelle est la différence entre le théâtre classique et le théâtre d’impro ?
AS : La première différence c’est qu’en improvisation, l’histoire n’est pas écrite à l’avance. C’est plus que jamais l’art de la relation à l’autre. Parce que c’est en s’écoutant que l’on va co-construire, alors qu’au théâtre l’histoire est déjà là. En impro, les rôles qui sont là en soutien sont aussi importants que les rôles de leaders.
TD : Dans les salles, cela évolue énormément. Il y a dix ans, l’impro n’était pas connue et pas reconnue. L’impro était l’exercice d’échauffement des comédiens de théâtre. Ça a évolué sur les cinq dernières années où on voit des comédiens de théâtre qui se dédient à 100% à l’activité d’improvisation. On est dans une phase où il y a plein de tests, plein d’essais, plein de laboratoires qui sont faits pour donner naissance à de nouveaux spectacles et je pense qu’il faudra 3 ans maximum pour aboutir à une proposition artistique qui soit aussi puissante que le théâtre. Il faut que l’on sorte de l’impro qui divertit et qui fait rire et qu’on se rapproche du théâtre engagé, du théâtre qui porte un propos social et qui reflète une actualité de 2018, par exemple.
TVB : Comment définiriez-vous le rapport du comédien au public en improvisation ?
TD : Je pense qu’au théâtre, tu viens pour accueillir une histoire alors qu’en impro tu viens pour vivre une histoire. Parce que tu la découvres en temps réel et souvent elle se construit avec le public. Ça ne se voit peut être pas mais quand tu es sur scène tu sens ce public, tu charges le moteur émotionnel du public pour le faire pleurer, le faire rire, etc.
AS : Et puis l’improvisateur vit ce qu’il joue en temps réel. Le public sent encore plus l’émotion.
TVB : Est-ce que tout le monde peut se lancer ?
AS : Oui et c’est l’avantage. C’est vraiment pour tous.
TD : Je pense que c’est pour tout le monde. Certaines personnes se disent “Ce n’est pas pour moi” mais c’est juste de l’appréhension. On a tous au départ les mêmes aptitudes à faire de l’impro, à accéder à notre boite d’imaginaire. Même si je te dis “Un escargot dans un ascenseur”, tu as forcément une première image qui te vient. La deuxième étape sera de verbaliser le “où”, le “quand”, etc., ce qui va nourrir l’imaginaire de ton partenaire qui lui va verbaliser autre chose pour compléter et tout va se construire.
AS : La bienveillance, le non jugement, l’écoute et l’humilité, pour toutes ces vertus, l’improvisation participe vraiment à un développement personnel.
Propos recueillis par Bérénice Streiff
Plus d’infos : http://www.improvidence.fr/