

Plateforme numérique proposée par la Bibliothèque municipale de Lyon depuis 2004, le Guichet du Savoir a l’ambition de toucher le « public absent » des bibliothèques. Grâce à internet, tout le savoir du monde est accessible depuis chez soi : il suffit juste de choisir un pseudo pour poser une question.
Déjà, les années 60 avaient vu fleurir des services de questions-réponses par le biais du minitel dans les pays anglo-saxons, en Allemagne et en Espagne. Lorsque la Bibliothèque municipale de Lyon (BML) a développé le même type de projet, elle a lui a donné une dimension supplémentaire : tout est en ligne sur internet. Les demandes et les réponses sont publiées, visibles de tous et donc soumises à la critique positive ou négative. Cette accessibilité des réponses à deux conséquences, selon Anne-Laure Collomb, responsable du Guichet du Savoir, et Delphine, qui y travaille depuis 2004 :
« La réponse reste individuelle mais le fait de la publier a deux conséquences : d’abord, la réponse sera plus “travaillée” que si elle restait individuelle. L’autre aspect est celui du référencement par les moteurs de recherches. Sur les 132 000 réponses publiées depuis l’ouverture du Guichet, au rythme de 400 à 500 par mois, certaines sont devenues des références pour les moteurs de recherches ».
Un outil de curiosité à disposition du grand public
Une autre conséquence de la visibilité des échanges est que le public peut participer aussi à la réponse. « Pour des recherches généalogiques, il peut arriver que les descendants d’une personnalité se signalent. Je me rappelle d’un jour où le petit-fils d’un peintre lyonnais a proposé de mettre ses archives familiales à disposition », se souvient Anne-Laure Collomb. Dans ce cas-là, le Guichet du Savoir dépasse sa mission de lecture publique. Il réussit à créer des liens et connecte entre elles plusieurs sources d’informations, des lecteurs et des professionnels. Les recherches deviennent alors d’autant plus passionnantes que même les lecteurs peuvent y prendre part.
Le Guichet du Savoir fonctionne sur le mode de la conversation. Une touche d’humour ou une association d’idées insolite sont bienvenues, dans le respect des règles de politesse. Une équipe de quatre bibliothécaires travaille tous les jours au traitement des questions postées sur le site. Dans un premier temps, il s’agit d’effectuer une sélection : environ 40 % sont adressées aux bibliothécaires des différents départements en raison de leur spécificité. Les 60 % restants sont distribués par tirage au sort et traitées généralement dans la journée. L’expertise des bibliothécaires est nécessaire pour construire une réponse argumentée, fondée sur des sources éprouvées, institutionnelles et scientifiques dans la mesure du possible. Cependant, il ne s’agit pas d’écrire un livre à la place des auteurs cités.

Sur 17 étages, le Silo est la “réserve” de la bibliothèque de la Part-Dieu. Il contient à ce jour plus de 1,4 millions de documents à consulter sur place. © Céline Bernard
Toutes les questions sont légitimes
Dans les limites définies par la Charte du service qui exclut les professionnels – car ils peuvent s’adresser au guichet spécialisé en bibliothéconomie de l’Enssib, toutes les questions sont légitimes, c’est-à-dire qu’aucune discipline n’est considérée comme supérieure à une autre.
« En effet, la philosophie ou l’histoire ne bénéficient pas d’un traitement différent de la cuisine ou de la mécanique. En cherchant dans le fonds documentaire disponible dans le silo de la BML, on trouve des livres sur tous les sujets, même les plus étonnants : par exemple, comment changer ses tringles à rideaux ».
Pour autant, les bibliothécaires ne se substituent ni aux médecins, ni aux juristes, ni aux élèves tenus de rendre un devoir. Anne-Laure Collomb précise bien que :
« Le rôle du Guichet du Savoir est le même que celui du bibliothécaire de l’accueil : il oriente le public vers les documents adéquats et peut donner des conseils méthodologiques en cas de besoin ».
L’absence de prérequis et la facilité d’utilisation du service libère les questions des contraintes académiques.
Pour construire des réponses claires et accessibles, les bibliothécaires utilisent tous les supports du catalogue de la bibliothèque : des livres bien sûr, mais aussi des revues spécialisées, des films, des bases de données. Toutes les conférences données pendant l’année sont filmées et constituent une base documentaire importante. Les liens internet ont également toute leur place car ils donnent directement accès aux contenus, en un clic. Le Guichet du Savoir est un service qui explore toutes les ressources disponibles sur les supports les plus variés possibles : internet permet d’explorer des sources pointues, jusque là difficilement accessibles, comme des archives universitaires et la data.
Les enfants sont les champions des questions
Les questions des enfants, apparemment simples, donnent parfois du fil à retordre aux bibliothécaires qui peuvent alors jouer leur joker académique. En effet, leur statut de fonctionnaires leur permet de faire appel à des spécialistes universitaires qui pourront faire état de leurs recherches. « Les harengs pètent-ils dans l’eau ? » a été résolu de cette façon.
La médecine légale peut également être sollicitée dans le cas de questions traitant de crimes et assassinats divers, posées par des auteurs de polars en cours de rédaction. Anne-Laure Collomb conclut : « La mission du Guichet du Savoir est accomplie si ce service permet aux publics de s’interroger sur le monde et donne à tous, surtout aux jeunes générations, l’envie d’être curieux et d’explorer les voies du savoir et de la connaissance ».
Céline Bernard