[ Spécial 50 ans de la Francophonie – 20 mars 2020 ]
Rimbaud, Verlaine, Senghor, Hugo, Mabanckou, Labé, Baudelaire, Césaire, Ben Jelloun, Musset, Prévert, Chedid, Cheng, Colette, Nimrod et tant d’autres, la francophonie foisonne de perles de poésie. La langue française serait d’ailleurs considérée comme un emblème en ce registre. Dépouillée de musique, de dessin (sauf pour les calligrammes d’Apollinaire – cf photo), elle « est capable d’un seul paysage : la langue de son pays » selon Henri Salvador. Elle offre un voyage à travers des mots dont les tournures en vers tentent de transmettre émotions et réalités de la vie qu’expérimentent leurs auteur.e.s. Mais c’est aussi un outil de lutte, de défense de ses droits et de revendications fortes. Court parcours de la poésie francophone utilisée pour de grandes causes.
Poèmes pour la paix
Victor Hugo était une personnalité politique engagée, il le revendique notamment lorsqu’il écrit dans Les contemplations « Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire ». Deux extraits qui n’ont pas perdu en modernité pour dénoncer la guerre :
« Depuis six mille ans la guerre
Plaît aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs. »
ou encore le travail des enfants, à l’époque dans les champs ou les usines :
« Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil !
Progrès dont on demande : Où va-t-il ? Que veut-il ? »
Poèmes interculturels de la francophonie
Aimé Césaire a navigué entre la France et la Martinique et découvert, dans l’après-guerre, les importantes traces de ségrégation raciale. Il décida alors d’être porte-parole : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouches. Ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » Il défend le terme de négritude, qu’il définit comme « une simple reconnaissance du fait d’être Noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture » et y dédie de nombreux poèmes. Léopold Sédar Senghor, figure emblématique de la négritude, permit de faire connaître son continent et d’agir pour une coopération juste et pacifique. Voici un extrait de son poème Femme noire.
« Femme nue, Femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté !
J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux.
Et voilà qu’au cœur de l’été et du midi, je te découvre,
Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle. »
Poésie et écologie
Actuellement, l’heure est à l’urgence écologique et cela inspire de nombreuses personnalités comme le militant Cyril Dion avec le recueil Assis sur le fil. Prévert, dès 1955 dans son recueil de prose poétique Paroles, dénonçait la déforestation :
« Tant de forêts arrachées à la terre
et massacrées
achevées
rotativées
Tant de forêts sacrifiées pour la pâte à papier des milliards de journaux attirant annuellement l’attention des lecteurs sur les dangers du déboisement de bois et des forêts. »
Pierre Ronsard est un poète de la Pléiade qui, en 1560 dans Élégies, dépeint la nature et les bois comme un havre de créatures divines et mythologiques à protéger :
« Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnâtes à repaître !
Peuples vraiment ingrats, qui n’ont su reconnaître
Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers
De massacrer ainsi nos pères nourriciers ! »
La nature est une des plus fortes sources d’inspiration des poètes. Ainsi, la préserver, n’est-ce pas aussi garder intacts ces récits humains la célébrant ?
Zoé Larose